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Le business model des centres de santé peut il être viable ?

Le business model des centres de santé peut il être viable ? Le « business model » constitue un outil devenu incontournable d’analyse et de pilotage du projet stratégique d’une entreprise.
Le business model des centres de santé peut il être viable ? COSEM - Centres médicaux France

A la start up ou à l’entreprise mature, il fournit une grille de lecture de la viabilité économique d’une entité. Appliquée aux entreprises classiques, il est également pertinent pour l’identification des conditions du succès de toute organisation. Nous nous proposons ici de l’utiliser pour décrire le fonctionnement des centres de santé. Etablissement de médecine ambulatoire, les centres de santé sont des organisations…

 

Les 3 axes du Business Model

La grille d’analyse du  business model s’articule autour de  trois axes, la proposition de valeur, la chaine de valeur et l’équation de profit.

La proposition de valeur décrit à qui et à quoi l’activité est utile. Au premier chef, la proposition de valeur s’adresse aux Clients, l’utilisateur final des biens et services mais elle doit pour être complète intégrer les valeurs créées pour toutes les parties prenantes appelées «  stakeholders ». Le Business Model de Facebook est basé sur des utilisateurs de ses services mais ceux-ci  ne payent rien. Ils  composent une communauté qui permet aux annonceurs de cibler leurs actions commerciales. Les annonceurs constitue une partie prenante clé du business model.

Développée par Mickael Porter, la chaine de valeur décrit les étapes mises en œuvre pour délivrer cette valeur, ces utilités à chaque partie prenante. Autant la proposition de valeur s’appuie sur données externes, autant la chaine de valeur caractérise l’organisation interne.

Enfin, l’équation de profit mesure la capacité du business model à dégager des excédents en comparant le prix que le client accepte de payer pour la valeur qui lui est fournie et le coût des moyens engagés dans  la chaine de valeur.

La cohérence de ces trois axes constitue la clé d’une activité pérenne. Un fabricant de yaourts pourra ainsi mettre en œuvre un business model de volume avec une focalisation sur la baisse des coûts de sa chaine de valeur. C’est la logique des produits vendus sous  marque de distributeur.  Il pourra aussi faire le choix de se centrer sur la valeur perçue par le client par des efforts de marketing et d’innovation. Chacune de ces options peut créer de la valeur si l’on concentre les efforts sur l’axe clé du business model.

Le Business Model des centres de Santé

Regardons maintenant en quoi cette grille de lecture nous éclaire sur le fonctionnement des centres de santé.

Les centres de santé sont des structures médicales de proximité qui regroupent des professionnels de santé, le plus souvent salariés (médecins généralistes et spécialistes, dentistes, infirmiers…). Ils sont gérés par des organismes à but non lucratif, des collectivités territoriales, des mutuelles ou des établissements  publics de santé
Quelles sont  ici les parties prenantes pour lesquelles il y a création de valeurs, d’utilité ?

Tout d’abord et avant tout, il y a les patients qui bénéficient de soins de proximité effectués par et sous la responsabilité de médecins. Pour ces soins, les patients bénéficient des tarifs du secteur 1 de la Sécurité Sociale, c’est à dire sans dépassement d’honoraires et ne font pas d’avance de frais quand ils bénéficient d’une complémentaire santé ce qui est la situation de la majorité des patients.  Les centres de santé accueillent sans réserve les bénéficiaires de la CMU, ce qui n’est pas le cas de tous les professionnels de santé. C’est le cœur historique du métier des centres de santé d’apporter ainsi des soins de qualité à tous.

Mais il y a d’autres parties prenantes qui obtiennent de la valeur. Les praticiens car l’exercice en libéral de la médecine libérale  attire de moins en moins. Les lourdeurs de la gestion administrative, le travail en solitaire découragent beaucoup de vocations. On connait bien le problème des déserts médicaux mais le phénomène concerne également les grandes métropoles.   D’après  l’atlas 2016 du Conseil national de l’ordre des médecins, l’Ile-de-France  a perdu près d’un généraliste sur cinq en neuf ans. A Paris, la hausse des loyers amplifie le phénomène. Le nombre de généralistes a baissé de 25 % sur la même période. L’exercice de la médecine comme salarié d’un centre de santé apporte ici une réponse à l’attente de certains patriciens, soucieux de se consacrer à un exercice en équipe de la médecine et de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Pour les pouvoirs publics et la Sécurité Sociale, les centres de santé sont un outil précieux parmi les différents acteurs du dispositif de santé. Au delà des soins ambulatoires traditionnels, on voit aujourd’hui des centres de santé assurer la gestion des urgences de proximité, la « bobologie ». Ils le réalisent à un coût sans commune mesure avec celui des urgences hospitalières qui ont vocation à ne gérer que les urgences graves.

Et pourtant malgré tous ces éléments les centres de santé ne représentent que 2,3 % de l’offre de soins ambulatoire de ville.

C’est qu’il y a un problème de viabilité économique. La dernière étude de l’Inspection Générale des Affaires Sociales de Juillet 2013 montre que les recettes des centres ne couvrent pas toutes les dépenses. Suivant l’importance des soins dentaires dans les prestations fournies, il manque entre 6 % et 12% des dépenses pour équilibrer le budget. Et cela malgré la « subvention Teulade » qui représentent 11% de la rémunération des personnels de santé et qui vient compenser partiellement la prise en charge des éléments administratifs par les centres de santé.

Ces déficits sont comblés notamment par les collectivités territoriales. La réduction engagée des déficits publics rend ce mode de financement incertain dans le futur.

Nous sommes donc face à un business model utile à de nombreuses parties prenantes, créant des utilités, mais n’assurant pas son équilibre financier. L’équation de profit n’est pas réalisée, il manque un pilier pour assurer la stabilité et l’expansion de ce business model.

Viabiliser le business model des centres de santé.

Ce déséquilibre n’est pas inéluctable. Certains centres de santé assurent leur équilibre financier sans subvention exceptionnelle. C’est le cas du Cosem, Coordination des œuvres sociales et médicales. Le Cosem, association sans but lucratif  gère 7 centres de santé dans Paris. Il génère des excédents, paye de l’impôt et verse à ses salariés une participation aux résultats.

Et pourtant, le Cosem apporte les mêmes utilités que tous  les centres de santé. Tarifs conventionnés en secteur 1, accueil des bénéficiaires de la CMU, coordination des équipes, actions de prévention.

C’est au niveau de la chaine de valeur, sur l’enchainement des étapes et des compétences mobilisées pour délivrer les prestations aux usagers que se situe l’efficience des moyens mis en oeuvre. Il ne s’agit pas de délivrer des soins au rabais.  Les traitements sont sous la responsabilité des praticiens diplômés. Il ne s’agit pas non plus d’accueillir les patients dans des lieux vétustes ou dégradés. Régulièrement rénovés, les locaux sont spacieux et fonctionnels

L’efficacité vient d’ailleurs.  Il y a trois éléments clés : les systèmes informatiques et les volumes d’activité auxquels s’ajoute un état d’esprit.

Une part importante du coût de la santé n’est pas composée de soins mais de tâches administratives ! Identification des ayant-droits, facturation des soins, gestion du tiers payant, prises de rendez vous, optimisation des  plannings et des plages horaires, réduction des rendez vous non réalisés … tout cela représente des coûts importants. Martin Hirsch a proposé de fusionner la sécurité sociale et les complémentaires de santé en escomptant une économie de 5 milliards sur les coûts administratifs et de gestion. Je ne traiterai pas de cette proposition ici, mais clairement le diagnostic est partagé, la réduction des coûts administratifs est un gisement important et la qualité des systèmes informatiques est ici un atout clé.  Par ailleurs, l’affectation à ces tâches d’un personnel dédié et formé à la gestion administrative représente également une économie de moyens. Est-ce rationnel de faire effectuer par un médecin des relances de paiement auprès de complémentaires santé ?

Evidemment ces systèmes informatiques sont des investissements importants qu’il faut  amortir sur un important  volume d’activité. Et voila le deuxième levier de performance. La mutualisation des fonctions de support, informatique, RH, etc. entre plusieurs centres permet de cumuler le gain d’outils performants et d’un faible coût par unité de soins. Là où l’effectif moyen d’un centre de santé est de 11,4 équivalent temps plein, le Cosem emploie plus de 700 salariés. On est à une autre échelle qui rend possible des réductions des coûts unitaires grâce au volume d’activité réalisé.

Cela est également sensible pour les coûts d’achats de matières premières. Aujourd’hui l’innovation en termes de prothèses dentaires se situe sur l’utilisation du zircon qui remplace la céramique. Cette technologie se substitue à la réalisation en Chine des prothèses dentaires traditionnelles. Relocalisation de la production  et meilleure qualité des prothèses notamment en termes d’abrasion en résultent.  Mais le zircon est un matériau onéreux. Là aussi les volumes d’achat s’ils sont importants  permettent à un centre de santé comme le Cosem de maitriser les coûts sans réduire la qualité des soins.

Outre l’efficacité dans la réalisation des taches administratives et les gains liés à l’économie d’échelle en fonction du volume, un troisième levier de performance s’avère être un élément clé. Ce troisème élément c’est la gouvernance.  La culture de gestion, avec notamment les tableaux de bord et le mode de supervision et de pilotage qu’ils induisent, est une clé de voute du succès. Enfin savoir que les dirigeants actuels  sont la troisième génération impliquée dans le Cosem  contribue assurément à la pérennité du modèle.

Un business model de centre de santé répondant aux attentes des parties prenantes, articulé avec une chaine de valeur optimisée permet donc de dégager des excédents de gestion.  On comprend la nécessité d’équilibrer les comptes mais quelle utilité y a t’il à dégager des excédents dans une structure qui comme le Cosem n’a pas de but lucratif ?  Ces excédents permettent de construire le futur. Ils contribuent au financement de l’innovation pour des soins toujours de plus grande qualité. Le Cosem est par exemple, le pionnier en France pour la réalisation de couronnes dentaires à partir d’imagerie numérisé en 3 dimensions.

A l’heure où un débat s’engage à nouveau dans le pays sur l’organisation du système de santé, la place des Centres de Santé doit être précisée. Au nombre de 1220, les centres de santé représentent une très faible part des dépenses de soins en ambulatoire. La plupart sont en déficit de gestion et ne survivent  que grâce à des subventions d’équilibre. Nous avons montré ici que ces déficits ne sont pas inéluctables. L’outil d’analyse du Business model appliqué ici permet de montrer comment s’articulent les trois pôles, création de valeur, chaine de valeur et équation de profit. Ainsi s’explique comment certains centres, comme le Cosem, utilisent des méthodes de gestion permettant d’allier utilité sociale et pérennité économique.  C’est un élément de la réalité qui va contribuer à la  réflexion en cours sur l’avenir de notre santé publique.

Dr Daniel DIMERMANAS
Directeur Général du Cosem

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