Certains praticiens ne prennent simplement plus de patients, d’autres imposent une attente de plus trois mois pour un rendez-vous, délai rédhibitoire face à certaines pathologies. Des spécialités sont parfois absentes à moins de 80 kilomètres à la ronde : pédiatres, gynécologues, ophtalmologistes… Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour améliorer l’accès aux soins pour tous ?
Pourquoi cette pénurie ?
La pénurie actuelle de médecins est le fruit de deux facteurs qui s’aggravent mutuellement : le numerus clausus et la répartition inégale des médecins sur le territoire. Ce dernier point résulte lui-même d’un ensemble de paramètres entremêlés.
Le numérus clausus (limitation du nombre de places en 2e année d’études de médecine) a été instauré à une époque où l’offre médicale était pléthorique, et où l’on n’avait pas anticipé les conditions socio-démographiques actuelles : population en augmentation et vieillissante donc sujette aux infections chroniques, fortes consommatrices de soins. Malgré la réévaluation régulière de ce numerus, le gap entre le nombre de médecins et les besoins de la population s’est creusé. Le constat est le suivant : en 2017, dans les régions où la population a fortement augmenté, le taux de remplacement des médecins qui partent à la retraite ne permet plus d’assurer la relève de façon satisfaisante. Le paradoxe est qu’il n’y a jamais eu autant de médecins en France (198 000).
Ce paradoxe s’explique par le fait qu’à cette pénurie quantitative s’ajoute un problème qualitatif : la mauvaise répartition des médecins sur le territoire. Les jeunes médecins sont beaucoup moins disposés que leurs aînés à exercer la médecine rurale, plus contraignante et moins rémunératrice que la médecine de ville. Ils s’installent donc massivement dans les régions à la fois urbaines et attractives, dotées d’une fort potentiel de patientèle : Ile-de-France et PACA.
Enfin, les nouvelles générations de médecins intègrent deux évolutions propres à la société française : la féminisation de leurs effectifs et la réduction du temps de travail. Les jeunes médecins aspirent désormais à un légitime équilibre entre leur travail et leur vie privée. Ils privilégient en conséquence la pratique salariée, c’est-à-dire les carrières à l’hôpital, au détriment de l’installation en libéral, chronophage et stressante. La pénurie atteint donc surtout l’offre de soin libérale mais se répercute également sur l’hôpital, désormais débordé par des patients en surnombre cherchant désespérément un médecin.
Comment la corriger ?
Les mesures financières proposées par les gouvernements successifs pour inciter les médecins à s’installer dans les territoires en tension ont toutes échoué, ou bien ont insuffisamment fonctionné : primes, exonération de la taxe professionnelle, bourses étudiantes…
Les mesures contraignantes sont quant à elles difficiles à faire passer : impossible en effet d’assigner les médecins à un désert médical. La liberté d’installation est un principe auquel ils sont très attachés. Et pour cause : après dix, voire quinze années d’études particulièrement difficiles, comment accepter de vivre et d’exercer dans un village sans école, sans poste, sans hôpital, sans accès ferroviaire et sans perspective professionnelle pour le conjoint ?
Certaines municipalités ont cherché à prendre le relai de l’Etat en faisant des ponts d’or aux candidats médecins : mise à disposition gracieuse d’un local refait à neuf, logement de fonction offert, prime à l’installation. Cela n’a pas suffi.
Accueillir les médecins étrangers
Ces échecs ont conduit à la nécessité d’une ouverture aux médecins étrangers, souvent moins regardants sur les conditions d’exercice et l’attractivité des disciplines. Moyennant une remise à niveau dans certains cas, ils sont tout aussi compétents dans leur spécialité que leurs homologues formés en France.
Des compétences validées
Pour faciliter leur intégration et garantir leurs compétences, la réglementation européenne a établi l’équivalence des diplômes de médecine européens. La France accueille ainsi de nombreux diplômés formés en Roumanie, en Belgique et de plus en plus en Pologne et en Croatie. Selon leur spécialité, ils peuvent en revanche être contraints au statut de « Faisant Fonction d’Interne » (FFI) et obligés de passer les épreuves classantes nationales de la fin de 6e année afin de confirmer leur spécialité.
Pour être autorisés à exercer en France, les médecins diplômés hors Union Européenne doivent quant à eux prouver qu’ils ont le niveau requis. Ils se soumettent ainsi à la Procédure d’Autorisation d’Exercice qui impose la réussite des Epreuves de vérification des connaissances (EVC), suivie éventuellement d’une ou deux années probatoires à l’hôpital. L’Autorisation Individuelle d’Exercice leur est accordée ensuite après examen de leur dossier par une commission dédiée. Les étudiants hors UE peuvent également rejoindre le cursus de formation de médecine française à n’importe quelle étape, à condition de réussir les épreuves correspondantes.
Une présence indispensable mais insuffisante
Aujourd’hui en France, un médecin sur dix environ est titulaire d’un diplôme européen ou extra-européen. Sans ces médecins étrangers, de nombreuses villes et villages seraient privés d’offre de soins et les hôpitaux de moyenne importance ne pourraient maintenir leur niveau d’activité.
Ils sont donc devenus un complément indispensable mais ne représentent pas pour autant la panacée absolue. En effet, seulement un quart de ces médecins exercent en libéral, contribuant ainsi utilement mais modestement à une amélioration de l’accès aux soins de premier recours.
Multiplier les centres de santé
Pour restaurer un accès aux soins pour tous, le nouveau gouvernement souhaite doubler d’ici 2022 le nombre de centres pluridisciplinaires de santé.
Les centres de santé pluridisciplinaires ne cessent de se multiplier. Ils représentent une solution pérenne pour restaurer un accès équitable aux soins sur l’ensemble du territoire.
Regardons de plus près l’exemple du Cosem et de ses centres de santé pluridisciplinaires parisiens. Les trois facteurs clés du succès sont :
La gestion, à l’inverse des maisons de santé et autres SCM et SCP dont les décisions ne sont pas collectives.
Le regroupement des médecins qui permet de mutualiser les coûts. Même si les marges sont petites, l’offre médicale est large et ne dépasse pas la demande. C’est une des raisons pour laquelle les centres tels que ceux du Cosem sont économiquement viables.
La priorité donnée à la formation : formations post-universitaires, stages, conférences organisées en interne, formateurs individuels mis à disposition de chaque praticien, le Cosem a choisi de mettre l’accent sur la formation des ses praticiens pour augmenter la qualité des soins prodigués. Gage de qualité, ils peuvent par exemple aujourd’hui garantir pendant 5 ans leurs prothèses dentaires.
Les centres de santé semblent être une des solutions évidentes pour pallier à la désertification médicale en France. La télémédecine est au même titre, une autre alternative que souhaite développer le gouvernement actuel afin de maximiser l’accès aux soins pour tous, sur l’ensemble du territoire national.